La disparition de Josef Mengele, la traque de l'ange de la mort

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Chronique littéraire La disparition de Josef Mengele par Mally's Books

Le Prix Renaudot a récompensé le roman d’Olivier Guez, comme pour nous rappeler que la science, l’eugénisme et l’idéologie n’avaient certainement pas tous les droits.
Qui était l’Ange de la mort d’Auschwitz ? Et comment a-t-il pu échapper à la justice ? Voici la véritable histoire de La disparition de Josef Mengele.  

La quatrième de couverture…  

1949 : ancien médecin SS à Auschwitz, coupable d’expérimentations atroces sur les déportés, Josef Mengele s’enfuit en Argentine.
1979 : après trente ans de traque, il meurt mystérieusement au Brésil.

Caché derrière divers pseudonymes, protégé par ses réseaux et par l’argent de sa famille, soutenu à Buenos Aires par une communauté qui rêve du Quatrième Reich, Mengele croit d’abord pouvoir s’inventer une nouvelle vie... En Allemagne, l’heure est à la reconstruction, l’Argentine de Peron est bienveillante, le monde entier veut oublier. Mais la traque reprend, menée par le Mossad puis par le chasseur de nazis Simon Wiesenthal. Avec l’aide de sympathisants, Mengele trouve un temps refuge au Brésil, auprès d’un couple de Hongrois, dans une ferme reculée. Son errance ne connaîtra plus de répit. De planque en planque, entouré d’une meute de chiens, perché sur le mirador qu’il a fait construire pour guetter les dangers qui le menacent, isolé, déguisé, dévoré d’angoisse, Mengele finira noyé sur une plage brésilienne.

Comment le médecin SS a-t-il pu passer entre les mailles du filet international trente ans durant ? De quelles complicités en Allemagne de l’Ouest et en Amérique du Sud a-t-il bénéficié ? L’histoire est inouïe, elle est dérangeante. La barbarie nazie y croise la modernité des années 1960 et 1970, et nos ambiguïtés occidentales : que faire des hommes qui ont commis le mal ?  

Quand la roue finit toujours par tourner...  

Le fil rouge de ce fil n’est pas tellement de savoir comment Josef Mengele a pu disparaître de la surface de l’Europe sans jamais répondre de ses crimes. L'interrogation principale est plutôt pourquoi ce savant fou aux ordres du Troisième Reich a reçu l’indéfectible soutien de sa famille, et des gouvernements sud-américains dans sa cavale d’après-guerre ?

Mengele était un scientifique brillant. Passionné par la génétique, il était prêt à tout pour faire aboutir ses recherches et témoigner de la “suprématie de la race aryenne”. Tout, incluant la réalisation d’expériences en tout genre sur les corps des déportés juifs, “sauvés” du gazage pour les besoins de la science. Si Olivier Guez a globalement pris le parti d’épargner aux lecteurs toute la barbarie des expérimentations de Mengele, il a choisi d’entrer au coeur des 40 ans de fuite de celui qu’on surnommait “L’ange de la Mort”. Car Josef Mengele était avant tout un personnage sadique. Antisémite et Nazi convaincu, il était bien évidemment dénué de toute empathie pour ses cobayes, mais animé d’une profonde fascination pour sa personne. Fanatique et narcissique, son opinion de lui-même l'a porté jusqu’à sa mort.

En 49, Mengele est un homme plutôt heureux. Certes, il fut contraint de quitter sa chère patrie pour échapper à la justice, mais coule de douces journées sous le soleil argentin, entouré de la communauté nazie établie sur place. Comment l’Etat argentin a-t-il pu cautionner de cacher de tels tortionnaires ? Cela reste un mystère… Toujours est-il que le monstrueux Docteur s’en sort plutôt bien, renouant avec la médecine à travers des avortements clandestins, puis s’efforçant de faire prospérer l’entreprise familiale. A cette époque, Mengele est encore fier de son nom, se remarie sans la moindre crainte. Jusqu’à ce que ses états de services reviennent en mémoire des médias et viennent bouleverser son gentil quotidien.

C’est là qu’intervient la véritable délectation. La traque commence. L'ancien nazi d’opérette découvre peu à peu la déshumanisation qu’il a lui-même imposé à ses victimes. Il n’est plus qu’une bête sauvage dont la tête est mise à prix. Il découvre le poids de la peur, vit dans l’angoisse. Pourtant il n’exprime jamais un remord, pensant être persécuté à tort… Mengele n’est plus qu’un poids maudit pour ses protecteurs.

Une formule me vient à l’esprit pour qualifier ce livre “Une délicieuse déchéance”. Certes, Mengele aura eu la chance d’échapper à un procès pour crime contre l’humanité, mais aura vécu l’horreur de la traque humaine qu’il a contribué à orchestrer contre les juifs. Je ne peux pas dire que j’ai aimé ce livre tant son contenu m’a horrifié et rien ne pourra jamais effacer les atrocités menées par cet homme, mais une seule chose me console : sa souffrance.  

Pour résumer…  

Ne lisez pas La Disparition de Josef Mengele avec l’espoir de passer un bon moment. Ce livre répond avant tout à un devoir de mémoire. Le texte est fort, dérangeant, parfois même écoeurant lorsqu’on constate l’étendue des dégâts provoqués par une idéologie. La participation de Josef Mengele à cet ouvrage est presque anecdotique tant message est clair. N’oublions pas l’abject ! La haine est déjà à nos portes, répondons lui par le souvenir. 


Ma note…  

14/20  

240 p. Grasset, 18,50 €

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