L'étrange mémoire de Rosa Masur • Vladimir Vertlib

07:48:00

Chronique littéraire "L'étrange mémoire de Rosa Masur" par Mally's Books
Prix Adelbert von Chamisso et Prix Anton Wildgans en 2001, L’étrange mémoire de Rosa Masur est sans doute l’un des grands ouvrages de la littérature allemande contemporaine. Et pourtant, tout un paradoxe entoure ce livre salué pour sa ligne rappelant sans mal la Trümmerliteratur -littérature des ruines-, mais porté par la ferveur d’un auteur émigré, juif autrichien, et dont l’allemand n’est pas la langue maternelle. 

L’épopée de Rosa Masur part de bien loin, mais quel livre ! Plume remarquable et esprit torturé, on entre dans un paysage de brumes où seul l’espoir est guide de toutes les passions. 

La quatrième de couverture…


«Pour son 750e anniversaire, la petite ville de Gigricht en Allemagne décide de favoriser l’intégration des étrangers : 5000 marks sont offerts à ceux qui auraient quelque chose d’intéressant à raconter. Rosa Masur, vieille Juive russe à qui on ne la fait pas et dotée d’un sens de l’humour à toute épreuve, se porte candidate. Elle a l’anecdote du siècle. 

Un siècle qu’elle a vécu de bout en bout, avec ses révolutions, ses guerres mondiales, ses soubresauts. Petite Juive dans un village biélorusse où les pogroms ne sont jamais loin, jeune fille émancipée dans la Leningrad des années 20, ouvrière dans une usine textile, puis traductrice de l’allemand… Pendant l’interminable siège de la ville, mère de deux enfants, elle fait du bouillon avec la colle du papier peint, alors que ses voisins dévorent leur canari, ou pire ; après la guerre elle doit batailler pour que son fils puisse étudier, l’antisémitisme étant entretemps revenu à la mode. Sorcières, apparatchiks, soldats, cannibales, passeurs, commères défilent dans une épopée menée tambour battant par une femme extraordinaire, drôle, intelligente, et qui n’a pas froid aux yeux. Même face à Staline. » 

Mon avis… 


Quels secrets peuvent bien nous cacher 92 ans de mémoire ? Cette question, je me la suis souvent posée en plongeant dans les yeux de ma grand-mère. A quoi pense-t-elle ? me suis-je souvent demandée. A son air absent, j’ai souvent cherché des raisons. Dans quelle partie de sa mémoire est-elle partie fouiner ? Qu’a-t-elle vue que je ne saurais connaître ? Face à tant d’inconnues, on se sent tout petit. Mes grands-parents sont nés en 1920 et pourtant, en lisant le récit de la vie de Rosa Masur, j’ai eu l’impression de lever le voile sur une partie de ma propre histoire familiale. Car autant se le dire, quand on a vécu près d’un siècle, on en aurait des choses à raconter. 

Le livre débute au milieu des années 90, dans un appartement communautaire de Leningrad. Alors que la politique du rideau de fer a définitivement tiré sa révérence, on s’attend à ce que le renouveau fasse place nette sur soixante-dix ans de communisme. Mais c’est bien la misère humaine qui nous attend à la porte de cette cuisine partagée. Prostitution, pauvreté, alcoolisme : la vie en ex-URSS offre bien peu de perspectives. 

Voici le début d’un récit qui nous entraîne dans un flash-back historique balayant un siècle brinquebalant, porté par deux guerres mondiales et des combats idéologiques traduits en véritables chaos politiques. Rosa Masur est une femme courageuse : enfant juive pendant les pogroms biélorusses, elle devient une jeune femme passionnée par l’ère nouvelle de la lutte des classes. Communiste convaincue, elle se bat corps et âme pour ériger l’égalité. Rosa rencontre la haine, le racisme, la faim, le froid, le cannibalisme, les bombes, mais en toutes autres luttes de pouvoir, l’histoire de Rosa Masur est surtout celle de l'amour indéfectible d'une mère qui fait tout pour protéger ses enfants. 

Pour résumer… 


Comment pourrait-on rester insensible à cette épopée qui prend un sens tout particulier lorsqu’on prend connaissance du parcours de l’auteur. Né en 1966 à Leningrad, Vladimir Vertlib est à l’image de Rosa : un évadé. 

Un seul regret toutefois : L’étrange mémoire de Rosa Masur se concentre sur les années de guerre et sur les heures sombres du socialisme mais gâche un peu la fin de vie du personnage principal. Les derniers chapitres sont centrés sur la déchéance physique de cette femme qui a tant vécu. Un parti pris un peu triste… 

Ma note… 


17/20

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1 commentaires

  1. Aurais-je pu rêver d'une meilleure description pour me donner envie de lire cette histoire ? Merci pour ton commentaire, je vais acheter le livre de ce pas !

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